La responsabilité des administrateurs dans les procédures de faillite en Espagne

En Espagne, dans le cas où il n’y ait aucune chance de refinancer la dette d’une entreprise en temps de crise, le conseil d’administration doit entamer une procédure de faillite.

Nous allons nous centrer sur les devoirs des administrateurs en cas de faillite de l’entreprise. Les administrateurs d’une entreprise ont pour devoir d’agir avec honnêteté, diligence et prudence. Ils seront tenus responsables s’ils manquent à leurs obligations, pas seulement vis-à-vis de l’entreprise elle-même, mais des créanciers également. Cette responsabilité peut être civile et criminelle.

 

Situations de faillite : devoirs du conseil d’administration

Il existe deux types de procédures de faillite :

  • Volontaire: lorsque le conseil d’administration demande volontairement l’initiation de la procédure de faillite.
  • Involontaire: lorsque c’est une tierce-partie qui demande l’initiation de la procédure de faillite.

Dans la procédure volontaire, le conseil d’administration conserve ses pouvoirs de gestion et son contrôle sur les actifs de l’entreprise, bien qu’ils soient sous la surveillance des trustees, dont ils peuvent nécessiter l’autorisation.

Dans la procédure involontaire, les pouvoirs de gestion du conseil d’administration se trouvent suspendus. Les trustees retiennent les pouvoirs correspondants.

Par conséquent, si le conseil d’administration veut garder ses pouvoirs, il doit être au courant de la situation de l’entreprise pour savoir si une procédure de faillite est nécessaire ou non, afin de pouvoir volontairement entamer la procédure de faillite le cas échéant, et conserver ainsi ses pouvoirs.

Le conseil d’administration doit demander l’initiation d’une procédure de faillite lorsque l’entreprise n’est pas capable d’assurer régulièrement ses obligations financières. À partir du moment où le conseil est informé de la situation d’insolvabilité, il a deux mois pour demander l’initiation de la procédure de faillite.

La loi espagnole considère que le conseil d’administration est au courant de la situation d’insolvabilité, iuris tantum, lorsque l’une des situations suivantes est avérée :

  • Impayés réguliers de l’entreprise
  • Existence de saisies affectant les actifs de l’entreprise dans leur ensemble
  • Liquidation hâtive des actifs de l’entreprise
  • Manquement général aux obligations suivantes: paiement des impôts, paiements à la sécurité sociale, salaires, indemnités de licenciement et équivalents pendant trois mois

Les administrateurs ont le devoir d’être au courant de ces situations, et, si nécessaire, demander au plus tôt l’initiation de la procédure de faillite. Dès cette requête, les administrateurs doivent personnellement comparaître devant le tribunal civil correspondant et devant les trustees, autant de fois que requis, en vue de collaborer et de fournir toute information utile.

Les administrateurs n’ont pas le droit de liquider l’entreprise avant autorisation de la cour. Ils ne peuvent pénaliser les actifs et les droits de l’entreprise avant d’obtenir l’autorisation correspondante. Cependant, ils peuvent effectuer les actions nécessaires à la continuation des activités régulières de l’entreprise. Si le conseil d’administration est suspendu, ce sont les trustees qui assumeront les pouvoirs de gestion, pour que l’activité normale de l’entreprise puisse si possible continuer.

Les administrateurs doivent également fournir aux trustees tous les documents comptables concernant les actifs et les capitaux propres de l’entreprise. L’obligation de préparer et auditer les comptes annuels continue. Cependant, il y a une exception concernant l’audit des comptes annuels lorsque les trustees ont déjà été désignés. Cette exemption ne s’applique pas lorsque l’entreprise possède des actions sur le marché secondaire ou est sous la surveillance de la Banque d’Espagne, la Direction Générale des Assurances et Retraites, ou la Commission Nationale des marchés boursiers espagnols.

Par conséquent, la préparation des comptes annuels durant la procédure de faillite revient aux administrateurs, sous la surveillance des trustees lorsque l’entreprise est inspectée, et aux trustees lorsque les pouvoirs du conseil d’administration ont été suspendus.

 

Les effets de la procédure de faillite sur les administrateurs

Pendant la phase de liquidation de l’entreprise, les pouvoirs de gestion des administrateurs sont suspendus. La résolution judiciaire initiant la liquidation inclut la déclaration de dissolution de l’entreprise et de suspension des administrateurs, qui seront substitués par les trustees. Comme résultat de la liquidation, les crédits différés vont expirer et les crédits non monétaires deviendront monétaires.

Lorsque la liquidation commence, les trustees doivent présenter un plan pour vendre les actifs et les droits de l’entreprise. Ce plan sera rendu public, et les administrateurs et créditeurs seront autorisés à le réviser devant le tribunal civil correspondant. Ils pourront, si besoin, réclamer des modifications de son contenu.

 

Classification des procédures de faillite et responsabilité des administrateurs

Pour savoir si un administrateur peut être tenu pour responsable, il faut vérifier la classification de la procédure de faillite faite par le juge : elle peut soit être classée comme accidentelle, soit comme coupable. Cette classification n’a lieu que si :

  • Il existe un plan établissant une réduction de la dette pour tous les créditeurs ou pour un groupe particulier de créditeurs; ou le temps d’attente pour être payé est supérieur à trois ans.
  • Dans tous les cas, lorsque la liquidation a lieu.

Par conséquent, et en vue d’éviter la classification négative de la procédure de faillite, un plan respectant les conditions suivantes doit être respecté: réduction de la dette jusqu’à un maximum de 33%, et temps d’attente ne dépassant pas trois ans.

Si le rapport des trustees et celui du Ministerio fiscal s’accordent à classer la faillite comme accidentelle, le juge ordonnera immédiatement la fin des procédures en cours, sans appel possible.

Si la faillite est classifiée comme coupable, l’entreprise a droit à une audience dans les dix jours et la cour convoque toutes les personnes affectées par la classification de la faillite, afin qu’elles puissent comparaitre devant la cour dans les cinq jours si elles n’ont pas déjà comparu. L’entreprise et les personnes concernées seront en droit de dénoncer cette classification.

D’une part, la faillite d’une entreprise sera considérée coupable s’il y a un manquement aux obligations de prudence des administrateurs ou liquidateurs au moment de la liquidation judiciaire de l’entreprise, c’est-à-dire que le comportement de ces individus a produit ou aggravé la situation d’insolvabilité de l’entreprise.

D’autre part, lorsque l’une de ces causes est avérée, la faillite sera automatiquement considérée coupable :

  • Manquement aux obligations comptables
  • Apport de documents imprécis ou faux dans le cadre de la procédure de faillite
  • Initiation de la liquidation ordonnée par l’État
  • L’entreprise vend tout ou partie de ses actifs d’une façon préjudiciable pour ses créditeurs ou d’une façon qui empêche l’efficacité d’une saisie
  • Utilisation frauduleuse des capitaux propres durant les deux dernières années
  • Simulation patrimoniale factice avant l’initiation de la procédure de faillite

Le jugement de la cour civile déclarant la faillite comme coupable expliquera la cause de cette classification et précisera les points suivants :

  • Les personnes affectées par cette classification. Si certaines d’entre elles ont agi comme administrateurs ou liquidateurs, la cour doit leur expliquer les raisons pour lesquelles elles ont été tenues pour les administrateurs/liquidateurs réels.
  • La cour interdira à ces personnes la gestion d’actifs de tierces parties pour une durée de deux à quinze ans. De même, elles ne seront pas autorisées à représenter des tierces parties pendant cette durée. La pénalité sera variable en fonction de la gravité des faits.
  • Ces personnes n’auront plus aucun droit concernant la procédure de faillite et devront rembourser tous les actifs et les droits acquis indûment. Elles devront également payer pour les dommages correspondants.

Si les administrateurs en fonction sont suspendus, les trustees convoquent une réunion avec les actionnaires afin de désigner de nouveaux administrateurs.

Par ailleurs, la loi sur la procédure de faillite assure que la saisie des actifs personnels des administrateurs actuels et passés (jusqu’à deux ans précédant la faillite) peut être menée. Cette injonction préliminaire peut seulement être ordonnée lorsqu’il y a suffisamment de preuves pour que la faillite soit qualifiée de coupable et que le patrimoine de l’entreprise n’est pas suffisant pour payer toutes ses dettes. Le juge déterminera le montant de la saisie qui pourra être substitué par une garantie bancaire si les administrateurs le préfèrent.

 

Conclusion

La loi sur la procédure de faillite actuelle accroît le niveau de responsabilité des administrateurs d’une entreprise. Par conséquent, les administrateurs ne doivent pas uniquement faire attention aux aspects comptables et managériaux de l’entreprise, mais aussi aux questions légales de leurs affaires et accords, de sorte à éviter certaines conséquences graves, du moins dans le cadre d’une procédure de faillite.

Tags: , , , , , , ,